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vendredi 23 octobre 2020

Ayreon - Transitus

Trois ans après "The Source", l'infatigable Arjen Lucassen revient avec un dixième album de son projet metal opéra Ayreon. Après plus de 20 ans à nous compter des intrigues évoluant dans un univers space opera, le Hollandais décide de changer quelque peu la donne en lorgnant cette fois ci du côté du gothisme, rappelant d'avantage son autre projet Star One. Il semblerait que justement cet album était censé sortir sous un autre nom avant que la maison de disque n'y mette son véto.

Effectivement, la rupture est nette. Si Ayreon nous avait habitué à changer de style régulièrement, il n'y aurait pas eu de soucis, mais au bout de 25 ans et 10 albums, ça fait bizarre. L'album est donc moins orienté concept album de metal symphonique, mais véritablement comédie musicale façon Broadway, avec des guitares électriques. Le chant des multiples vocalistes, faisant ici office littéralement de comédiens, étant du coup nettement plus maniéré, pour mieux ressortir les émotions de leurs personnages. Construit donc comme un opéra moderne, l'album souffre donc de trop nombreux interludes qu'on skippera volontiers dès la deuxième écoute, à commencer par son interminable intro de dix minutes !

Techniquement, l'album n'a donc aucun défaut notable. En même temps, on y retrouve Marty Friedman et Joe Satriani entre autre. Niveau chant, on comptera sur Tommy Karevik (Kamelot, Seventh Wonder) et Cammie Gilbert (Oceans of Slumber) dans les rôles principaux. Ils interprètent un bourgeois du XIXème siècle et sa servante noire, qui entretiennent une relation tabou. La narration est effectuée par Tom Baker, le 4ème Docteur dans la série Doctor Who, dans un rôle similaire à celui de Christopher Lee sur les derniers Rhapsody pré split, ou le "Gods of War" de Manowar. Hélas ses narrations vraiment trop nombreuses, si elles passeraient sans doute sur scène, avec des décors et des acteurs présents sont très ennuyeuses sur CD et alourdissent considérablement le rythme de l'œuvre. La seule manière d'apprécier en gros est d'écouter l'album en lisant le texte et en visualisant une scène d'opéra.

Parmi les autres interprètes, on retrouvera la fabuleuse Amanda Sommerville (Exit Eden, Kamelot, Epica) dans le rôle de Lavinia, Dee Snider (Twisted Sister) dans celui du père, Marcela Bovio (Stream Of Passion, Elfonia, Mayan) quant à elle joue plusieurs personnages n'apparaissant qu'une fois si j'ai bien compris. La flamboyante Simone Simons (Epica, Mayan, Kamelot, Aina) régulière de chez Ayreon est ici parfaite dans le rôle de l'Ange de la Mort, succédant ainsi à Elize Ryd qui la jouait déjà face à Tommy Karevik dans le titre "Sacrimony - Angel of Afterlife" de Kamelot. Johanne James, bien que batteur au sein de Threshold pousse ici la chansonnette dans le rôle d'Abraham et un certain Michael Mills à la discographie plus énigmatique qu'un scénario de David Lynch, visiblement essentiellement chanteur guest chez Ayreon, doit se contenter de jouer une statue. La lose. Cela dit, c'est une statue qui chante bien ! Paul Manzi (ex : Arena) interprète lui le rôle d'Henri

Ambiance gothique oblige, l'album mettra l'emphase sur les passages tristes et Cammie, bien qu'excellente vocaliste se révélera assez agaçante à de nombreuses reprises à trop en faire dans le pathos. Simone Simons elle semble jouer l'ironie, bien loin de son statut de princesse fashion qu'elle affiche sur Instagram ! Ironiquement donc, dans un style dominé par les voix féminines ou les voix masculines plus androgynes, le salut de l'album viendra donc des interprètes masculins. On retiendra particulièrement de l'album "Get Out Now" interprété par Dee Snyder, "Hopelessly Slipping Away", superbe power ballade épique, "Talk of the Town" superbement chantée par Paul Manzi ou encore "Two Worlds Now" qui ressemble à du Pink Floyd ! 

Pour résumer, "Transitus" initialement pensé pour être autre chose que du Ayreon semble avoir été quelque peu remodelé pour collé au projet principal de Lucassen. En résulte un album très long, répétitif, rempli de morceaux trop longs pour être des interludes, mais trop courts pour être de vraies chansons et une narration vraiment trop omniprésente, en dépit du fort potentiel geek du dit narrateur ! Les voix sont trop exagérées pour compenser l'absence du visuel qui rendrait justice à l'histoire qu'il veut raconté et les quelques morceaux de bravoures sont un peu éparpillées sur l'album. Pourtant, le talent de composition d'Arjen est tel que malgré tout ses défauts, l'exécution quasi parfaite de l'ensemble fait que... Bah ça fonctionne ! On a d'incroyables musiciens, plein de superbes guests tout le long, quelques morceaux qui sortent du lot, de très belle voix, une histoire classique mais toujours efficace. Alors oui, lors des réécoutes, on skippera peut être un tiers des pistes et oui, ça sonne comme un hybride Ayreon et Star One. A vouloir être trop ambitieux, le compositeur Hollandais a pêché par excès d'orgueil et "Transitus" n'est pas le digne successeur de "Human Contradiction". Il n'en reste pas moins un très bel album à ranger fièrement dans sa CDthèque. Beaucoup aimeraient avoir des "ratages" comme celui là !

3.5/5

mardi 13 octobre 2020

Amaranthe - Manifest


Une décennie après leur création et six albums plus tard, Amaranthe est passé de petit outsider, de groupe qu'on pensait éphémère à un incontournable sur qui il faut compter. Pour preuve cet album qui à peine sorti a déjà 5 singles à son compteur depuis le début de l'année. Ils ont même réussi à ramener Angela Gossow (ex Arch Enemy) pour un duo, des années après qu'elle se soit retiré de la musique !

Inutile de chercher une quelconque évolution donc, Amaranthe a une formule qui fonctionne (enfin pas pour tout le monde, c'est quand même un style particulier) et l'applique à la lettre, peu importe le line up. Des riffs metalcore, une composition pop rock (riffs simples, structures couplet/refrain/couplet/refrain/bridge/solo/refrain, durée excédant rarement 3 minutes), de l'euro dance, du growl, du chant heavy et du chant pop.

Dès les premières secondes, les notes de synthés 90's nous rappellent chez qui on est et le groupe ne cherche plus à convaincre qui que ce soit, mais à se faire plaisir. On a majoritairement une alternance de titres rapides et dancefloor ("Viral, Archangel") avec des titres plus mid tempo et épiques ("Strong", avec Noora de Battle Beast) et l'inévitable power ballade Crystalline, que la belle Elise dédie à son eau minérale préférée (on me souffle à l'oreille qu'en fait rien à voir, elle parle de sa grand mère). Elise qui est désormais une super star (la ?) du pop metal, et qu'on retrouve absolument partout en featuring, à l'instar de Simone Simons et Alissa White Gluz. On a ainsi pu l'entendre récemment chez Kamelot (le groupe de power metal, pas la série d'Astier, faut suivre), Avalon ou encore Beyond The Black, pour ne citer que les plus connus !


Depuis "Helix", Amaranthe  assume totalement son statut de groupe hyper accessible et bien qu'il soit parfois rangé à tort dans la même catégorie que Within Temptation et compagnie de par son aspect "metal mélodique avec une chanteuse", il est plus à ranger aux côtés d'un Sonic Syndicate. En fait par moments, on dirait même une version occidentale de Babymetal dans ses mélanges de styles. 

La production assurée par Nuclear Blast est donc parfaite, mais on reprochera le manque d'originalité des compos assez interchangeables. Amaranthe ne cherche rien d'autre qu'à distraire et faire passer un bon moment, au même titre qu'on bon gros Marvel des familles, pas à révolutionner l'industrie. Et dans un monde morose sous Covid, parfois ça fait du bien. 

A condition d'apprécier le genre et de savoir pourquoi on écoute ce disque, éManifesté fera passer une écoute agréable mais éphémère à son auditeur. On peut évidemment se contenter des clips, Amaranthe ayant toujours accordé une importance toute particulière à l'aspect visuel et sexy pour vendre sa musique, Elise étant véritablement l'argument de vente du groupe. Soyons honnête, personne n'écoute ce groupe pour son jeu de batterie. Mais tel un groupe de K-Pop, ils ont compris que dans l'industrie actuelle, pour se démarquer, la musique seule ne suffisait pas. Heureusement, derrière cette superficialité apparente, l'efficacité est de mise et la déception n'est pas au rendez vous. Un album d'Amaranthe qui ressemble exactement à ce qu'on attend d'un album d'Amaranthe !

4/5